1er Congrès Zone NAGE (Namur, B.)
Fumées nuit gravement à la santé
Représentants de FO SIS :
ADC Olivier JAILLET (SPPNO)
ADC Mickaël MEERSCHAUT (SPPNO)
SCH Willy MARC (SPPNO)
PHC Emmanuelle ALAVOINE (SSSM)
Sébastien WATRY (PATS représentant CHSCT)
Ce jeudi 22 février, FOSIS nous a permis de participer au 1er Congrès organisé par la Zone NAGE en Belgique. La zone NAGE représente 4 postes de secours : NAMUR, ANDENNE, GEMBLOUX et ÉGHESÉE (entre 15 000 et 17 000 interventions / an).
Ce congrès était l’occasion de nous sensibiliser aux risques des fumées sur la santé des Sapeurs-Pompiers et de présenter des méthodes nous permettant de limiter ces risques.
1er thème : Retex Incendie (CNE E. BELAIRE – IILE-SRI Liège Zone 2 – Belgique)
Cette présentation était principalement l’explication de ce qu’est un Retex (retour expérience), mais surtout de rappeler à l’ensemble des personnes présentes que le Retex est sous-utilisé.
En effet, ce dernier n’est pas là pour porter un jugement sur le travail des intervenants dans le cadre de l’intervention mais bien pour l’analyser, dans sa globalité, afin de partager et permettre à tous, l’apprentissage et la méthodologie de nouvelles techniques utilisées sur certaines interventions. Ceci pour éviter de commettre des erreurs dans les modes opératoires, notamment sur les actions et la réactivité face à celle-ci.
2ème thème : La lecture du feu / des fumées (CNE C. SCHEEN – IILE-SRI Liège Zone 2 – Belgique)
Les Sapeurs-Pompiers sont aujourd’hui face à des phénomènes thermiques plus importants
et plus puissants qu’auparavant pour plusieurs raisons :
- Habitations en open space (ouverture des espaces à vivre)
- Habitations mieux isolées (isolation par l’extérieur, confinement du feu)
- Mobiliers en matériaux composés polymères, hydrocarbures et particules de bois
Vidéo de Comparaison de pièces en feu (Éléments naturels contre synthétique)
Sur cette vidéo, nous remarquons qu’avec les matériaux d’aujourd’hui, nous sommes en présence d’un Embrasement Généralisé au bout de 3min40 alors qu’il faut 29min25 pour se retrouver dans la même situation avec les matériaux du passé à volume égal.
Là où avant, nous étions sur des feux complètement développés où l’action des Sapeurs-Pompiers se limitaient à l’extinction des flammes, nous sommes aujourd’hui face à des feux sous ventilés et face à des feux ventilés en phase de développement, les Sapeurs-Pompiers doivent apprendre à lire les feux, les fumées, maîtriser les ouvrants, procéder à la sécurisation des fumées ainsi qu’à l’extinction des foyers.
La lecture du feu
Indicateurs comportementaux du feu : B-FCTF
Bâtiment – environnement
Fumées
Courants aérauliques
Température
Flammes
La lecture des fumées
Le repérage des entrants et sortants permet la lecture de la fumée et ainsi de dominer le phénomène pour plus d’efficacité à éteindre le feu.
La couleur de la fumée est très importante également (le feu est tout le temps situé à l’endroit où les fumées sont foncées)
3ème thème : Technique incendie : La ventilation opérationnelle (LTN R. VINAY – SDIS 44 – France)
La ventilation mécanique contrôlée (ou non) est un outil peu connu dans la lutte contre l’incendie.
Cette science des phénomènes de l’aéronautique reste complexe mais permet un combat efficace des feux.
- La ventilation naturelle est créée par l’ouverture d’un tiré lâché (chose la plus courante), nous exerçons l’anti-ventilation qui consiste à contrôler les ouvrants pour procéder à l’extinction par inertage dans des milieux clos.
- La ventilation opérationnelle avec des ventilateurs thermiques permet de protéger des zones, de désenfumer pour progresser et mieux voir le foyer qui permet au Sapeurs-Pompiers d’attaquer ou encore de ventiler pour sauver ou mettre en sécurité des personnes.
Cette ventilation opérationnelle est une autre méthode pour aider les Sapeurs-Pompiers sur intervention. Celle-ci requière une grande maîtrise, car le danger est aussi d’alimenter les feux. C’est aussi pour cela que beaucoup de SDIS ne développent pas cette méthode d’intervention.
4ème thème : Le risque de cancer et prévention des maladies professionnelles chez les Sapeurs-Pompiers (R. AMNOTTE – Directeur Adjoint à la Direction du Service de la Sécurité Incendie de la ville de Lévis au Canada et de P. GAGNON – Association Paritaire pour la Santé et la Sécurité au travail, secteur Affaires Municipales au Canada)
Il est important de savoir que cela fait 12 années, qu’ils étudient au Canada, le risque de cancer chez les Sapeurs-Pompiers, 5 ans qu’ils sont formés pour limiter les risques de cancer.
Les techniques sont réellement en application depuis moins d’un an.
De nombreuses études mondiales, relatives à la mortalité des Sapeurs-Pompiers, démontrent que 61% de ces mêmes Sapeurs-Pompiers sont décédés d’un cancer. Cette prise de conscience est mondiale.
Aux États-Unis, on décèle chez les Sapeurs-Pompiers les types de cancers suivants :
L’Ontario (Province la plus peuplée du Canada) a commencé à reconnaître quelques cancers en maladie professionnelle chez les Sapeurs-Pompiers, et ce n’est qu’un début !
Il a été constaté chez beaucoup de Sapeurs-Pompiers, malgré le port de l’ARI, des traces de Benzène dans leurs urines.
La phase la plus dangereuse est celle juste après la phase d’extinction (désorption) :
- Le déblai
- Le nettoyage du matériel et des tenues
- Le rangement du matériel
Suite à plusieurs enquêtes, il est remarqué que la plupart des Sapeurs-Pompiers ne mettent pas l’ARI lors de ces phases.
Il faut :
- Prendre conscience des risques et les maitriser
- Adopter une hygiène de vie réduisant les risques (30min de sport / jour, alimentation et poids équilibré)
- Respecter les mesures de prévention et de sécurité
- Consulter annuellement des professionnels de la santé pour obtenir un bilan complet
- Informer les collègues des risques de cancer et les inciter à appliquer les bonnes techniques.
Les contaminants peuvent se fixer sur des vecteurs solides par dépôts (solides et liquides), par adsorption (gaz et liquides), par absorption (tous), de façon temporaire ou permanente. Ils peuvent désorber, c’est-à-dire s’évaporer et être déplacés par contact direct ou par force mécanique (ventilation).
Il est donc possible de transmettre des contaminants par inhalation et par contact via nos tenues qui ont été soumises aux différentes fumées d’incendie. En effet, les contaminants pénétreront sur les sièges des véhicules et diffuseront dans l’air dans les endroits de stockage.
C’est ce que l’on appelle la contamination croisée !
Afin de minimiser l’exposition, les intervenants conseillent de développer des techniques adaptées :
- Les EPI sales retiennent plus de contaminants et sont moins protecteurs que les EPI propres.
- Éviter la contamination croisée avant l’incendie et pendant le transit
- Avoir des cagoules plus longues pour rentrer dans les EPI
- Être bien rasé pour avoir une meilleure étanchéité
Nos tenues possèdent 10 000 fois moins de particules à l’intérieur qu’à l’extérieur si port de l’ARI sur les incendies et les déblais.
Il faut également savoir que la ventilation positive ne permet pas de travailler sans ARI, elle soulèvera les particules pour continuer à nous contaminer (désorption).
La désorption est la transformation inverse de la sorption (adsorption ou absorption), par laquelle les molécules absorbées se détachent du substrat.
85% de diminution des HAP (Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques) rien qu’en rinçant les EPI après l’incendie.
Le nettoyage à sec (à l’aide de brosses, chiffons doux) n’a que 23% d’efficacité, il est à faire avec des gants, des lunettes de protection et un masque FFP2 minimum.
La cagoule, qui est une protection thermique et non chimique, est l’endroit où les nanoparticules pénètrent sans problème.
En effet, le phénomène de sudation augmenté par une montée de la température provoque l’ouverture des pores de la peau et donc une absorption plus importante des molécules cancérigènes.
Sur intervention, il faut :
- Retirer le plus rapidement possible les EPI dans un endroit ventilé.
- Isoler les tenues non décontaminées dans des sacs hermétiques, il en est de même pour les tuyaux et les différents matériels utilisés.
- Retirer la cagoule pour l’envoyer au nettoyage
- Se nettoyer la peau avec des lingettes humides jetables, cela réduit de 54% la contamination par les HAP au niveau du cou.
Si une personne ne s’est pas déshabillée avant le retour d’intervention, il faut savoir qu’elle va contaminer l’ensemble des agents (soit par contact, soit par inhalation)
S’il n’est pas possible de se déshabiller et décontaminer ses EPI sur intervention, il faut retourner sa veste de feu et baisser son sur-pantalon pour ne pas contaminer les sièges de nos véhicules.
Au retour d’intervention, il faut :
- Nettoyer les EPI (couche extérieur) dans des machines adaptées et dédiées (A ne pas mélanger avec la tenue vestimentaire usuelle)
- Nettoyer la cagoule
- Strictement arrêter de pénétrer dans les locaux communs avec ses effets souillés.
Il est important de faire évoluer les mentalités pour la santé de tous !
Éléments clé à retenir :
- Port de l’ARI, sur une peau bien rasée, même lors du déblai !
- Avoir de l’eau sur intervention
- Avoir des brosses de soies douces pour le nettoyage à sec
- Avoir des lingettes humides
- Avoir 2 cagoules par SP par intervention
- Avoir des sacs hermétiques pour les EPI
Nous comprenons, aujourd’hui, que nos fourgons et nos effets sont remplis
de HAP. Il faut procéder aux nettoyages renforcés de nos véhicules d’incendie.
5ème thème : Reconnaître l’inhalation des fumées – toxicologie (S. GUILLAUME – Coordinateur général des CRCM du clinical trial center – Cliniques Universitaires Saint Luc – Bruxelles – Zone NAGE – Belgique)
Les effets des toxiques sont directement liés à :
- La concentration du toxique
- A la dose (durée d’exposition)
- A la voie d’entrée du toxique (inhalé, par la peau, …)
- Toxicocinétique : temps d’absorption, de distribution, de métabolisation, d’excrétion
- Toxicodynamie : effet du xénobiotique sur la santé
- Type d’épuration (rénale, hépatique, …)
- Biodisponibilité / biotransformation (bio activation)
La toxicologie des fumées est compliquée car la notion de concentration, ainsi que la dose absorbée de xénobiotique (quel que soit la voie) est difficilement mesurable.
Si la symptomatologie clinique est aiguë : traitement d’urgence car le pronostic vital est engagé.
Si la symptômologie est retardée :
- L’examen visuel des débris permet de déterminer grossièrement le type de toxiques auquel on a affaire (où il est connu et identifié).
- Prise en charge rapide dès l’apparition de symptômes ou la persistance de signes mineurs (toux, irritation, …).
Risques chroniques :
- Sensibilisation du personnel au port des EPI
- Décontamination in-situ
- Sensibilisation des pouvoirs publics et de la hiérarchie
- Études épidémiologiques, études de causalité suivies de cohorte à développer.
6ème thème : Prise en charge de la victime d’inhalation de fumées (D. STUCKENS – Infirmier SISU, SMUR CHR Namur, Direction médicale 112 Namur – Belgique)
Il faut toujours faire attention aux erreurs d’analyse, il arrive très souvent que l’on confonde les intoxications au CO avec des victimes de diabète, d’insolation, de crise d’épilepsie, de sevrage éthylique, de troubles cardiaques, …
Il ne faut pas s’arrêter, non plus, à ce qui est visible. En effet, une victime blastée peut être également intoxiquée au CO et aux Cyanures (CN).
Il ne faut pas se fier aux mesures faites par les saturomètres car tous, ne font pas la différence entre l’O2 et le CO contenu dans le sang.
Les différents traitements seront l’oxygénothérapie massive, mesure de la glycémie, prise de la température, prise du rythme cardiaque ou encore le caisson hyperbare.
7ème thème : Le soutien sanitaire Opérationnel (Cadre de santé 2ème classe M. TAILLADE – Infirmier en Chef du S.D.I.S. du Lot – France)
Il permet de prévenir les accidents évitables, de réduire les accidents sur place et de tout faire pour que les agents puissent mener à bien leur mission (boisson, nourritures, etc.).
8ème thème : Le REHAB de la zone NAGE et les nouveautés dans l’entretien des EPI (CNE J. D’AQUINO – CNE O. GILSON – Zone NAGE – Belgique)
Il a été l’occasion pour la zone NAGE de nous présenter son organisation pour limiter les effets néfastes des fumées d’incendie sur les Sapeurs-Pompiers.
Après plusieurs études, ils se sont rendus compte qu’il n’était pas forcement nécessaire de n’avoir qu’une seule tenue (la tenue incendie) et qu’elle n’était utile que pour le Chef d’Agrès, les chefs d’équipes et les équipiers de chaque FPT, le Chef d’agrès des EPA et le Chef d’agrès des camions citernes. Pour le reste, une parka étanche aux liquides et à la chaleur suffisait pour l’ensemble des actions menées par le reste du personnel.
Les tenues textiles incendies portées par la majorité des Sapeurs-Pompiers sont complètement contaminées lors des lavages.
Il a été très vite constaté l’utilité de fabriquer une tenue textile Incendie en deux parties séparables afin de permettre le lavage de la partie externe et laisser ainsi la partie interne au porteur de la tenue.
Un textile soumis au feu contient une concentration en HAP de :
- 15,26mg/kg de sur la couche externe
- 15,9 mg/kg sur la membrane
- 0,2 mg/kg sur la partie interne
La zone NAGE a créé un REHAB (Véhicule de réhabilitation), il sert de transfert Sale/propre et il contient des ARI, des tuyaux, 10 tenues de feu, des cagoules, des gants, des sacs hydrosolubles, des éléments de nettoyage corporel (visage et main), des éléments de nettoyage matériel (les casques, les bottes) mais aussi de l’eau et de quoi se nourrir.
Ce véhicule se rend directement sur intervention feu et procède à tous les échanges nécessaires, il permet aux Sapeurs-Pompiers de rentrer dans leur centre de secours respectifs, dans des tenues non contaminées, réduisant ainsi très fortement, leur contamination et celle des collègues.
Il récupère les éléments sales pour les enfermer dans des sacs hydrosolubles, il y a une séparation physique entre les parties sales et les parties propres.
La partie externe de la tenue textile subie un nettoyage en machine à laver avec détergent (la tenue passe de 31% de contamination à 12%), elle est ensuite nettoyée au LCO2 (la tenue passe à 3% de contamination).
Il est impossible de nettoyer à 100% un contaminant.
Depuis le 1er Janvier 2018, une dizaine d’interventions ont été effectuées avec le port des nouvelles tenues dans la zone NAGE ainsi que le REHAB. Il reste à travailler sur une zone de déshabillage pour les Sapeurs-Pompiers.
Cette journée a permis d’approfondir nos connaissances quant aux risques des fumées sur les Sapeurs-Pompiers. De comprendre la nécessité d’évoluer dans la manière de travailler et de changer, dès maintenant, nos vieilles habitudes pour vivre le plus longtemps possible, à conditions que nos dirigeants adaptent une nouvelle méthode de nettoyage et le changement de nos effets.
Nous avons pu ainsi observer ce qui se fait actuellement au Canada et apprendre la méthodologie
de la Zone NAGE en Belgique !
Pour FO SIS,
Un changement de culture et de façon de faire s’impose au niveau mondial chez les Sapeurs-Pompiers,
La santé des Sapeurs-Pompiers passe inévitablement par une évolution de nos mentalités,
L’homme reste toujours aussi vulnérable…
Seules les techniques sont à améliorer.
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- Notre Compte Rendu [Téléchargement]
- Retex incendie – Capt E. Belaire [Téléchargement] [MP3]
- Lecture du feu / des fumée – Capt C. Scheen [Téléchargement] [MP3]
- Technique incendie : la ventilations opérationnelle – Ronan Vinay [Téléchargement]
- Les risuqe de cancer chez les pompiers – Richard Amnotte [Téléchargement]
- Prévention des manalides professionnelles chez les pompiers – Pascal Gagnon [Téléchargement]
- Reconnaitre l’inhalation de fumées – Sgt S. Guillaume [Téléchargement] [MP3]
- Les nouveaux ordres permanents, la prise en charge de la victimes de fumées – D. Stuckens
- Le soutien sanitaire opérationnel – Michel Taillade [Téléchargement] [MP3]
- Le REHAB de la zone Nage et les nouveautés dans l’entretien de vos EPI – Capt J. D’Aquino [Téléchargement] [MP3]
- Et demain ? Quelle approche pour les pompiers – Capt E. Belaire [Téléchargement] [MP3]
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